Historique du moulin Saint-Michel par François Héry, 1976
Promeneurs habitués, passants d’un jour, vous vous trouvez sur le tertre Saint-Michel, face à La mer, un panorama splendide s’offre à vos yeux. De gauche à droite, du Nord au Sud, par-dessus la Cité, voici le bourg de TREVENEUC dans les frondaisons du château de Pomaria, la chapelle ronde de Kertugal , dédiée a Notre-Dame de la Garde, patronne des Matelots, à l’horizon le phare du Grand-Léjon, puis l’île Harbour, le Sémaphore, le clocher de l’église paroissiale, le Cap Fréhel, ERQUY et ses falaises, le VAL-ANDRE, MORIEUX et sa « bougie », l’anse d’Hillion, YFFINIAC, la Pointe du Roselier.
Tournez-vous a l’Ouest : vous apercevez l’agglomération d’ETABLES-SUR-MER, le réservoir de la Ville Durand, le clocher de PLOURHAN, les ruines du moulin de Merlet, la ferme de la Ville-Mario, ancien château fortifie de Ruella, résidence préférée des d’Acigné de la Roche Jagu pendant plusieurs siècles, le tout dans une campagne verdoyante qui invite à la promenade.
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Le tertre Saint-Michel ? Pourquoi donc ? Parce que, ici même, s’élevait autrefois une chapelle dédiée à I’Archange le plus connu, celui dont le nom est le plus souvent cite dans l’écriture. En 708, Saint-Michel apparut a l’évêque d’Avranches en lui demandant de faire bâtir une église sur le Mont Tombe. C’est l’emplacement actuel du monastère du Mont Saint-Michel, lieu de pèlerinage et de tourisme célèbre.
A la suite de cette apparition sur le Mont, le culte de Saint-Michel se répandit en Bretagne comme ailleurs. C’est la raison pour laquelle de nombreuses chapelles et églises dédiées à l’Archange sont construites sur les collines ; citons dans la région : Saint-Michel de SAINT-BRIEUC, Saint-Michel.de GLOMEL, Saint-Michel de BRASPARTS, de BREHAT, de TREGUIER.
Jusqu’à la Révolution Française, le dimanche le plus proche du 29 septembre, on venait ici de partout pour le « Pardon » de Saint-Michel… Apres le chant des Vêpres et la procession sur la butte, les locataires rendaient visite a leurs propriétaires, leur payaient leur « Saint-Miche », renouvelaient leur bail jusqu’à la prochaine, ou faute d’arrangement, pauvres parmi les pauvres exilaient hardes et mobilier dans un autre quartier …
Très modeste était la chapelle. Elle mesurait, nous disent les archives paroissiales, 13,33m de longueur sur une largeur proportionnée. Elle était desservie par les prêtres qui lui étaient attachés, on cite en particulier l’un des chapelains, Messire AUFFRAY, qui mourut au village de Ruello vers l’an 1700.
En 1786, le recteur de SAINT-QUAY demandait au Géneral de la paroisse (Conseil de Fabrique) l’achat d’un missel parisien pour la chapelle Saint-Michel, l’évêque de Dol ayant ordonné ce rite pour son diocèse (1).
(1) Notons que la paroisse de SAINT-QUAY, jusqu’au Concordat de 1801, faisait partie de l’évéché de Dol-de-Bretagne
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Peu de temps avant la bataille de QUIBERON qui eut lieu le 16 juillet 1795, se déroula à 500 mètres d’ici le fameux combat de la Ville Mario, haut-lieu de la chouannerie. La colonne mobile républicaine fusilla ici-même, le long de la chapelle Saint-Michel, un malheureux combattant royaliste qui s’y était réfugié.
Avant 1789, le 29 septembre, on chantait un service dans la chapelle pour Michelle PAULMIER, Demoiselle du « Bout du Grand Pré ».
Vers 1800, le sanctuaire tombait en ruines. On décida de le démolir en 1806 et les pierres, ou ce qu’il en restait, servirent à la construction du mur du cimetière des Sablons. Nous disons « ce qu’il en restait » car le Maire de SAINT-QUAY, indigné écrivait a l’époque une lettre a Monsieur le Préfet des Cotes du Nord l’informant qu’un certain comte des environs avait volé les pierres de la chapelle ! Horresco referens ! (2)
(2) Je frémis en le racontant.
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Le débit des rivières locales étant insuffisant, il fallait attendre que les étangs se remplissent pour que les moulins à eau fonctionnent normalement. Et l’onde s’épuisait rapidement. Pour pallier ces inconvénients, il fallut recourir aux moulins-a-vent. C’est ce qui explique leur nombre relativement important dans notre localité et les communes limitrophes. Chez nous, « le Moulin Saint-Michel », le « Moulin de Malgré Tout », celui des « Fontaines ». En PLOURHAN, « Merlet », les « Buis ». En ETABLES-SUR-MER, les moulins de « Caruhel » et de « Beaumont ».
Le premier moulin-à-vent ici-même sur le tertre Saint-Michel, ne fut construit qu’après 1822 car il ne figure point sur le cadastre dresse cette année-là.
Mais en 1844, la revue « France lndustrie » signalait les prouesses de notre moulin en farine de froment, de blé noir, d’avoine et autres céréales.
Chaque moulin-a-eau se complétait d’un moulin-à-vent 1 Le nôtre était l’appoint du moulin de Rolland I On montait le grain sur la colline en charrette.
Et le cheval ou la mule attelé ensuite a la queue du moulin tournait aussi le toit pour en livrer les ailes aux caprices de Messire Vent Debout !
Sur celles-ci on larguait plus ou moins de toile, selon la force du vent I Et le meunier devait surveiller et son grain et sa farine et le son… et les humeurs d’Eole pour parer au « coup de tabac » … et hâler le frein !
Oh ! Les légendes pimentées ne manquent pas dans la vie de notre moulin. Les vieux meuniers à barbe blanche cachaient des âmes de poètes. C’étaient de fins conteurs à leurs heures, ils composaient des chansons, observaient la nature, les animaux… Les hommes aussi ! C’étaient des taciturnes pourtant dans l’ensemble, comme les bergers. Les enfants en avaient plutôt peur, car le « maître » les éloignait en raison du danger. D’ailleurs, on a gardé le souvenir de l’aventure d’une fillette du Port emportée par les ailes du moulin au début du siècle, ici-même, et qui souffrit toute sa vie des suites de cet accident stupide. Aussi soyez prudents, ne vous aventurez pas dans le champ d’évolution des ailes. Respectez les consignes de sécurité de Maitre Cornille ! …
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Le moulin actuel date de 1875. C’est la famille LE GAGNE qui entreprit de le reconstruire en le modernisant. La charpente comporte de nombreuses pièces de l’ancien.
Vaincu par les techniques nouvelles des minoteries, il fonctionna vaille que vaille jusqu’aux environs de 1910. Abandonne, une famille Quinocéenne en devint propriétaire et y aménagea un refuge de vacances pour solitaires romantiques.
Les ronces, les ajoncs envahirent de nouveau les lieux sans âme. En 1971, sur la proposition de Monsieur RICHET, Maire, Conseiller Géneral, le Conseil Municipal prit la décision de racheter le Tertre et son moulin et d’en effectuer l’aménagement et la restauration.
La tache fut confiée à un artisan local, dont ce fut la première œuvre du genre. Elle fut suivie de plusieurs autres en raison de la réussite ici et de la publicité méritée qu’on en fît… Hésitant, Monsieur PEILLET ausculta les vieilles charpentes, les roues dentelées, les axes en cœur de chêne, le chemin circulaire sur lequel glissaient le toit et les ailes pour les orienter au vent favorable. L’ébéniste se documenta près de la Société des Moulins de France. II fît de nombreux plans, visita des ruines, prît des renseignements jusqu’en Hollande et en Angleterre, et Saint-Michel finit par livrer ses secrets et retrouver la vie !
Le moulin, cher aux Quinocéens, tournait enfin au mois d’août suivant avec des ailes nouvelles et quelques quarante mètres carres de voiles blanches, conçues et disposées, comme il convient, par un maître pilote de la marine…
Une autre page d’histoire s’est ouverte pour notre moulin, admire, photographié, filmé, chaque année par des milliers de vacanciers.
Merci Maître Cornille, nous reviendrons !!
F.H. 1976
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Edité par l’OFFICE DE TOURISME DE SAINT-QUAY-PORTRIEUX
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