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Souvenirs d’enfance de St-Ké et de son moulin

A L’Amicale des Moulin, Fontaines et Lavoirs

Bonjour à tous les membres de l’Amicale,

Je m’appelle Nathalie et porte un nom de famille qui fleure bon la Bretagne, Lefoll, en un seul mot. J’ai passé mes étés d’enfance, dans les années 70, à Saint-Quay-Portrieux, avec mes parents et mes deux sœurs.

Depuis j’ai habité dans la capitale alsacienne puis dans le Nord de la France et actuellement mes pas se sont arrêtés à Nancy, mon lieu de vie et de travail.

Mais ma mémoire n’a pas oublié les images de Saint-Quay-Portrieux, jamais ternies malgré le temps qui passe. J’ai fait connaître à mes enfants, dans les années 2000, les plages, les maisons de mon enfance, et mon fils a appris à nager dans le bassin sur la plage du Casino au Sea Club de M. Tété. Au terme de cinq jours d’initiation il a passé son «examen» dans le bassin en pierre creusé dans le rocher. Son diplôme de natation, fièrement obtenu et précieusement conservé, fait partie aussi des souvenirs de ses huit ans. Sa sœur, de trois ans sa cadette, avait suivi aussi ce stage de natation, mais avait eu froid dans l‘eau ! Quelques années plus tard, dans un autre bassin de piscine, elle devait se révéler à son tour une très bonne nageuse, et n’a pas oublié ses débuts bretons !

Je voudrais ici chanter la beauté des plages de Saint-Quay. Notre préférée, c’était la plage du Casino. Je vois encore ses rigoles par marée basse, sur le sable mouillé, qui dessinaient une géographie de minuscules cours d’eau qui se croisaient ou suivaient un chemin parallèle pour rejoindre les vagues, en fin de voyage. J’adorais récolter les tout petits coquillages jaunes ou marron déposés dans ces filets d’eau que je plaçais soit dans mon épuisette, soit dans un petit panier en plastique vert que je portais en bandoulière. Il était plus sûr que les mailles du filet : j’avais à cœur de ne pas perdre mes coquillages sitôt trouvés ! Mes deux sœurs m’accompagnaient dans cette quête, et, en rentrant à la maison, ma mère me rappellerait de bien les laver pour que je puisse les conserver, et souvent elle le ferait elle-même, pour me faire plaisir.

Mais le sable avait des concurrents : les rochers. Ah, les rochers à marée basse, qui ne semblaient jamais les mêmes, laissant apparaître des mares irrégulières que chaque jour nous avions l’impression de redécouvrir. Nous partions à la pêche à la crevette, au crabe et plus rarement, à l’étoile de mer, un événement ! Les mares communiquaient entre elles, les petits poissons et crevettes grises fuyaient entre les algues lorsque nous approchions nos épuisettes. Il fallait alors deviner dans quelle mare elles feraient leur retour, se déplaçant à toute vitesse. Que de fois la récolte s’est limitée à des algues pêchées, parfois mêlées à des herbes aquatiques. Il fallait alors secouer l’épuisette avec énergie avant de reprendre notre chasse au trésor. En fin d’après-midi, nous relâchions notre butin, au hasard d’une grande mare, en faisant bien attention à ne pas glisser, chaussures en plastique aux pieds, et regardions tous ces locataires marins retrouver leur cadre familier. Nous n’avons jamais acheté de crevettes grises pour les consommer. J’aurais eu l’impression de commettre un crime !

Saint-Quay, c’était aussi son radeau, dont je n’ai jamais vu ailleurs de réplique. Dans les années 2000 mes enfants se sont bien amusés à tenter de monter sur ce grand rectangle de bois flottant et souvent d’en descendre encore plus vite ! Je revoyais à travers la lumière du soleil et le mouvement des vagues nos jeux d’enfants, quelques décennies plus tôt, dans les années 70, – l’autre siècle -, le regard au loin de notre mère, qui ne savait pas nager, mais qui, assise sur le sable, ne nous quittait pas de son regard affectueux. Je retrouvais nos rires, nos plongeons involontaires, car ce radeau attirait beaucoup d’enfants et, s’il pouvait parler, raconterait les cris de joie ou de surprise lors des chutes dans la mer que nous faisions tous à tour de rôle. Inlassablement, comme le mouvement de la mer, nous remontions à sa surface, vainqueurs pour quelques secondes ou quelques courtes minutes.

Je pourrais raconter aussi les gâteaux de la pâtisserie Kernaleguen, les pains au chocolat que notre mère nous distribuait, après la baignade, lorsque nous remontions toute la plage, fatiguées, pour nous asseoir, lourdement, sur les serviettes de bain. Suivait la contemplation de la mer tout en se régalant. Mais plus encore, la ville de Saint-Quay reste associée aux sucettes légendaires de Ker Suçons, de toutes les couleurs, qui nous motivaient solidement pour la promenade familiale, le soir, le long du Sentier des douaniers. Je pourrais raconter aussi les vers luisants que nous recherchions et dont la couleur verte, dans les buissons, me fascinaient, ou encore les lampions de la procession du 15 août, qui donnaient à tous les participants un air magique.

Je n’ai pas oublié, à l’intérieur des terres, le quartier de « Merle » où habitait ma grand-mère. C’était une rue à sens unique formant un petit val. En haut habitait une amie de ma famille, une dame âgée au chignon blanc dont le balancier de la pendule me fascinait lorsque nous lui rendions visite ; en bas de la côte se trouvait le lavoir, et, à l’autre extrémité, en haut, on découvrait très vite le moulin. Le lavoir, je n’avais pas le droit d’y jouer seule, mais parfois, sous le regard de mes parents ou des voisins dehors, j’y déposais quelques petites pièces d’une petite dinette à laver ou un petit bateau, que je n’avais pas le droit de laisser partir au fil de l’eau. Le lavoir, dans les années 70, dans mes souvenirs de vacances d’été, avait perdu ses fonctions. Les lavandières ne l’utilisaient plus. Le métier avait dû disparaître.

Mais ma mère m’a souvent parlé de deux sœurs, dont le lien de parenté m’échappe maintenant, Marie et Lisa, qui ont voué leur vie au travail. C’était dans les années 50. Marie lavait et battait le linge dans ce lavoir et remontait la côte courageusement, le linge blanc posé dans sa brouette, pour l’apporter à ses clients. Ma mère me décrivait la caisse de bois où les laveuses s’agenouillaient et leur énergie pour manier le battoir. Elle nous racontait cette scène avec une infinie admiration pour Marie et pour ce dur travail réservé aux femmes de ce temps.

Le moulin, en haut de la montée, ma mère m’en a souvent parlé évoquant ses promenades avec mon père. Ils étaient alors jeunes mariés et ma mère venait de Lorraine. Elle a tout de suite adopté Saint-Quay, sa population, les voisins, car on se connaissait bien dans les quartiers ou sur les marchés. Les balades de Marguerite et François, mes parents, autour de Merle s’achevaient au Moulin, qui, peut-être, fonctionnait encore dans les années 50. Dans les années 80, nous avons traversé la France d’Est en Ouest, en train, pour retourner à Saint-Quay et avons refait à pied ce parcours qui menait au moulin. Après avoir longtemps marché des plages au village, dans une sorte de pèlerinage familial, nous avions fait une pause autour du moulin, pour l’admirer, prendre le temps de respirer, comme autrefois nos parents le faisaient.

J’écrirai d’autres pages, mais ces vacances familiales, année après année, m’ont laissé un souvenir ébloui de la mer, de la côte et du village dans les terres. Encore aujourd’hui, quinquagénaire, lorsque des nuages à l’horizon retardent mon sommeil, ce sont ces images qui me bercent et ont raison de mes tempêtes.

                                                                                           

                                                                                                           Nathalie Lefoll

 

 

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